Les fondements

H- Quelques conditions à l'utilisation de la méthode

l est clair que l'utilisation de la méthode des 88 clefs requiert un effort supplémentaire de la part de l'enseignant. Elle présuppose qu'on donne aux étudiants et étudiantes l'occasion de rédiger des textes personnels et qu'on soit prêt à faire plus qu'une lecture superficielle de ces textes. En particulier, l'examen des textes produits ne doit pas se limiter à la simple vérification de certains éléments de contenu; on doit regarder aussi l'organisation et l'expression des idées -- ce que, de fait, on est toujours supposé faire; la méthode permet simplement de le faire plus précisément et plus méthodiquement. Cet effort n'est cependant pas démesuré si l'on tient compte du besoin considéré et de l'effet escompté. [note 19]

Cela dit, l'essentiel du travail permettant de développer les habiletés considérées se trouve essentiellement du côté de l'étudiant. L'intervention d'un professeur annotant une copie d'un étudiant ne peut constituer qu'un point de départ; néanmoins, cette intervention est souvent stimulante pour l'étudiant puisqu'il reçoit ainsi un diagnostic précis de quelques-unes de ses lacunes, de même qu'une indication de pistes de solution. Il lui reste cependant à s'engager sur le chemin qui lui est indiqué.

L'application de la méthode présuppose, disions-nous, que les étudiants ont quelque peu à rédiger dans le cours visé. Mais les exercices de rédaction dont il est question n'ont pas besoin d'être très élaborés. Plusieurs annotations typiques de la liste peuvent s'appliquer à des textes de quelques paragraphes seulement; il suffit que ces textes soient composés pour exprimer une idée, une analyse ou un point de vue personnel sur un sujet à l'étude. En outre, les textes en question peuvent aussi bien être de type descriptif qu'argumentatif.

Imaginons par exemple [note 20] un texte de 15 ou 20 lignes rédigé dans le cadre d'un cours d'éducation physique et visant tout simplement à décrire un type de nage, un exercice d'assouplissement ou les règles d'un sport d'équipe; ou imaginons un texte du même ordre rédigé dans un cours de génie électrique et visant d'une part à justifier explicitement l'application d'une méthode numérique pour décrire un phénomène et d'autre part à expliquer, en mots et en phrases, la procédure à suivre pour appliquer cette méthode. Il s'agit dans les deux cas d'exercices de rédaction relativement simples (mais pas tant que ça), auxquels on ne songe pas souvent à recourir, mais qui sont formateurs et pertinents pour de futurs enseignants ou enseignantes en éducation physique ou pour de futurs ingénieurs ou ingénieures. Les uns comme les autres, de même que tout professionnel, en tout domaine, auront nécessairement à expliquer et à justifier à des non-spécialistes les approches qu'ils proposent.

Or, il est certain que de tels textes pourraient être l'occasion d'annotations du type :

  • Le ton est inutilement savant et compliqué (E1b). [note 21]
  • On cherche trop à persuader alors que le ton ou le style devrait être neutre ou objectif (E1e).
  • Ce terme (ou cette expression) est vague ou trop général (E2b).
  • Ce terme est mal choisi ou impropre, ou n'est pas français (E2c).
  • Cette phrase est ambiguë, maladroite (E3a).
  • Cette phrase est lourde et contient trop d'idées (ces idées mériteraient d'être exprimées en deux ou trois phrases plus simples) (E3c).
  • Cette précision aurait dû venir plus tôt (E4).
  • Ce paragraphe devrait être divisé en deux ou plusieurs paragraphes (E5a).
  • Un mot-lien (ou un mot-lien différent de celui qui est utilisé ici) serait nécessaire pour guider le lecteur (E6).
  • Cette notion n'est pas définie (et mériterait de l'être) (P1).
  • Cette définition est trop large, trop vague (elle pourrait s'appliquer à autre chose) (P2d).
  • Cet énoncé ou ce développement passe à côté de l'essentiel. Il repose sur une mauvaise compréhension (ou analyse) de la situation, du problème, de la question -- ou de ce qui est dit dans les textes qui en parlent (P5).
  • Cette explication est trop générale (P6a).
  • On prend pour essentiel (important, pertinent) ce qui est simplement accessoire ou contingent (ce qui n'est qu'un détail assez peu important) (P6d).
  • Ceci est faux, mal documenté, absurde ou contraire aux faits connus (P8).
  • Cette idée aurait besoin d'être mieux expliquée, d'être justifiée ou d'être illustrée par un exemple (ou par un meilleur exemple que celui qui est donné) (P13).

La lecture de ces énoncés extraits de la liste associée à la méthode des 88 clefs montre que des textes relativement brefs peuvent néanmoins comporter divers types de difficultés liées à l'organisation ou à l'expression de la pensée. On comprend aussi que ce genre de commentaires placés en marge d'un mot, d'une phrase ou d'un passage du texte d'un étudiant peut avoir des répercussions sur le plan de sa formation intellectuelle -- et cela d'autant plus qu'en inscrivant les cotes E1b ou P2d ou quoi que ce soit d'autre en marge d'un mot, d'une phrase ou d'un passage du texte en question, on ne fait pas qu'attirer l'attention sur un certain problème : on donne à l'étudiant ou l'étudiante visé une occasion de réfléchir et on lui indique comment trouver facilement des explications supplémentaires sur le sujet ainsi que des exercices susceptibles de l'aider à corriger son problème.

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© Victor Thibaudeau, mai 2008