6 avril 2018

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Dans la deuxième moitié du 19e siècle français, une doctrine philosophique et politique voit le jour et s’impose rapidement : le solidarisme. Pour ses tenants, comme Alfred Fouillée ou Charles Gide, il s’agit de se frayer une voie entre le socialisme collectiviste et le libéralisme individualiste, pour répondre à la nécessité du développement d’un État social sans pour autant brimer les libertés individuelles. Cette doctrine sera portée hors des murs de l’académie par le juriste et homme politique Léon Bourgeois, avec la publication de son essai Solidarité en 1896. Au cœur du projet solidariste de Bourgeois, la défense d’un impôt progressif sur le revenu pour faire face à la paupérisation et à la montée des inégalités engendrées par la révolution industrielle. L’impôt progressif, qui faisait scandale à l’époque, a fini par triompher, pour devenir une forme d’évidence démocratique pour la plus grande part du 20ème siècle. C’est d’ailleurs ce triomphe des solidaristes qui explique peut-être, paradoxalement, qu’ils soient largement tombés dans l’oubli. Le contexte actuel, de nouveau marqué par un important creusement des inégalités, et par ce que l’économiste Thomas Piketty appelle le retour du capitalisme patrimonial, semble toutefois redonner au projet solidariste toute sa pertinence. Comme l’explique la philosophe Marie-Claude Blais, « nous renouons, structurellement parlant, avec la matrice intellectuelle qui avait imposé la catégorie de solidarité comme la seule à même d’accorder la liberté et le lien, l’indépendance des êtres et leur interdépendance, la responsabilité de chacun et la protection de tous. » Cette conférence est donc une invitation à relire les solidaristes, pour redonner à leurs œuvres la place qu’elles méritent dans l’histoire des idées, mais également pour en dégager toute l’actualité. Patrick Turmel est professeur à la Faculté de philosophie et responsable de l’axe en éthique sociale et économique de l’Institut d’éthique appliquée de l’Université Laval. Il est également chercheur associé à la Chaire Éthique et finance du Collège d’études mondiales de la Fondation Maison des sciences de l’homme, à Paris, et membre du comité éditorial de la revue Nouveau Projet. Il a aussi été, en 2015, professeur invité à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Parmi ses publications, notons La juste part. Repenser la richesse, les inégalités et la fabrication des grille-pains, co-écrit avec David Robichaud, et Rites of Way. The Politics and Poetics of Public Space, publié avec Mark Kingwell.