Le débat sur l’incommensurabilité des traditions juridiques autochtones et occidentales : Essai de clarification

Heure: 15h30 à 17h00
Lieu: FAS 413
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Conférence de Dominique Leydet dans le cadre des Ateliers de philosophie moderne et contemporaine
La thèse selon laquelle les traditions juridiques autochtones et occidentales sont incommensurables a été énoncée par de nombreux juristes (Turpel 1989-90 ; Newman 2007 ; Manley-Casimir 2012 ; Tuck et Yang 2012 ; Mills 2019) et rejetée par de nombreux autres (Glenn 1998 ; Borrows 2016 ; Hanna 2020). Ces évaluations contrastées ont d'importantes implications pratiques et institutionnelles sur la façon de concevoir la place des traditions juridiques autochtones au sein ou en dehors de l'ordre constitutionnel et du système judiciaire étatique. Pour plusieurs, l'acceptation de la thèse de l'incommensurabilité signifie que les traditions juridiques autochtones doivent se tenir en dehors de l'ordre juridique allochtone afin de maintenir leur intégrité. Étant donné leur évaluation de la situation sur le terrain, d'autres auteurs rejettent la thèse de l'incommensurabilité comme contre-productive (Napoleon et Friedland 2016). Le débat est rendu plus difficile du fait que la notion d'incommensurabilité est souvent utilisée sans être définie explicitement.
Mon objectif est d’abord de tenter de clarifier le débat en distinguant trois versions de la notion d’incommensurabilité : (i) méthodologique ; (ii) taxonomique ; (iii) ontologique tout en esquissant leurs implications respectives. Concernant le débat juridique actuel, je soutiendrai ensuite que si nous nous en tenons à une compréhension de l'incommensurabilité en termes méthodologiques et taxonomiques, alors nous constatons qu’il existe en fait un consensus assez large parmi les juristes sur l'existence d'une telle incommensurabilité entre traditions juridiques autochtones et occidentales. Le désaccord porte plutôt sur les implications pratiques de ce jugement. Il convient alors de s’interroger sur ce qui peut expliquer ces différences de position et sur leur cohérence respective.
Biographie :
Dominique Leydet est professeure titulaire de philosophie à l’Université du Québec à Montréal et directrice du Centre de recherche interdisciplinaire sur la diversité et la démocratie (CRIDAQ). En théorie de la démocratie, elle travaille sur les questions liées à la délibération publique et au parlementarisme. En philosophie du droit, elle s’intéresse au pluralisme juridique, dans le contexte des rapports de l’État canadien aux peuples autochtones. Ses travaux récents ont été publiés dans Recherches Amérindiennes au Québec, Éthique publique, University of Toronto Law Journal et Representation. Elle a traduit, avec Geneviève Nootens et Geneviève Motard, Canada’s Indigenous Constitution de John Borrows (University of Toronto Press, 2010), traduction parue en 2020 aux Presses de l’Université du Québec (PUQ) sous le titre La constitution autochtone du Canada.
Organisateurs: Catherine Rioux et Jérôme Gosselin-Tapp