5 novembre 2025

Heure: 11h30 à 12h20
Lieu: FAS-413

Pour information
Claude.Lafleur@fp.ulaval.ca

Détails supplémentaires

Dans le cadre des Midis du Laboratoire de philosophie ancienne et médiévale (LAPAM), participez à la conférence d'Antoine Pageau-St-Hilaire, chercheur postdoctoral au Département de philosophie de l'Université d'Ottawa.

Résumé:

Comment l’âme peut-elle être le moteur non mû d’un être vivant, tandis que la plupart des facultés psychiques semblent impliquer plusieurs types de changements ou d’altérations? Cette difficulté est, à bon droit, au cœur de plusieurs discussions du De Anima. Certains commentateurs ont défendu la cohérence de la position d’Aristote – à savoir que l’âme n’est pas vraiment mue en dépit des apparences – (e.g. Menn 2002, Polansky 2007 et 2024, Kosman 2013, Diamond 2015). La stratégie interprétative qu’ils développent consiste à comprendre les changements apparents dans l’âme comme des cas d’activité (ἐνέργεια) par opposition au mouvement (κίνησις) et à l’altération (ἀλλοίωσις), souvent (mais pas toujours) en mobilisant Metaph. Θ 6 1048b18-35 pour interpréter les remarques plus cryptiques qu’on trouve dans le De Anima. Polansky (2007 et 2024) en particulier souligne que la distinction entre ἀλλοίωσις et ἐνέργεια/ἐντελέχεια réside dans le fait de la préservation (σωτηρία, σώζειν) des facultés psychiques lorsque celles-ci s’actualisent (une altération véritable, en revanche, détruirait la capacité initiale lorsque celle-ci est actualisée). Cela est vrai et textuellement avéré, mais il y a un passage où Aristote exprime différemment cette «différente sorte d’altération (ἕτερον γένος ἀλλοιώσεως)» que représente l’activation d’une capacité: «un progrès vers soi et vers son activité/sa perfection (εἰς αὑτὸ ἡ ἐπίδοσις καὶ εἰς ἐντελέχειαν)» (II 5 417b7). Bien qu’Aristote cherche évidemment à distinguer ce progrès ou ce développement (ἐπίδοσις) du changement à proprement parler, il faut reconnaître qu’un progrès est irréductible à la simple préservation. La fonction explicative de cette ἐπίδοσις reste largement inexplorée dans la littérature savante contemporaine. Tandis que les commentateurs prémodernes comme Alexandre, Themistius, Philopon et Thomas d’Aquin semblent avoir reconnu la signification irréductible de l’ἐπίδοσις, seuls Burnyeat (2002) et Sentensy (2020) soulignent (sans toutefois expliquer davantage) l’importance de l’idée d’un développement et d’une perfection, à distinguer de l’altération et de la préservation. Je propose une relecture de ce passage pour illuminer le problème de l’acte et du mouvement dans le De Anima. En interprétant le texte à la lumière de trois autres textes de la Physique (II 1 193b12, VII 3 246a10 ff., VIII 4), je soutiens que le modèle de l’ἐπίδοσις offre une façon de comprendre le perfectionnement (τελείωσις) de façon à le distinguer de la κίνησις et de l’ἀλλοίωσις, et que cela offre en fait un meilleur modèle que le modèle de la σωτηρία pour comprendre les activités psychiques.